28 décembre 2007
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[Man to Man, Pierre Borhan, Vendôme Press, 288 pages, 52 €, NDLR]
La photographie homoérotique a participé à l'acceptation de l'homosexualité par la société qui s'est de plus en plus familiarisée avec ces amours de moins en moins coupables et, progressivement, de plus en plus normales, explique Pierre Borhan, l'auteur de cet ouvrage et historien de la photographie. Quelquefois, voir aide à déverrouiller l'esprit, à décrasser l'imagination, à déstabiliser une morale aussi arbitraire que contraire à la nature, poursuit Borhan. L'image aide à désinfecter les plaies faites par les bourreaux convaincus de leur bon droit à régenter le coeur et le sexe de tous les autres humains. Nan Goldin dans les muses, je pense que ce n'est pas anodin. C'est utile.
L'ouvrage de Borhan propose une mise en perspective de photographies faites par ou pour les homosexuels, de photographies qu'ils se sont appropriées et de témoignages sur leurs manières d'être - on dirait aujourd'hui leur mode de vie -, leurs aspirations, leurs admirations, leurs joies et leurs peines.
Pour l'auteur, cette veine photographique, liée à l'évolution des idéologies, à celle de la presse et des autres médias, donc à la lente érosion d'interdits arbitraires, a profité d'interférences variées avec, notamment, l'invention de la sexologie, la résurgence de la culture physique et du sport, les audaces littéraires et cinématographiques des temps modernes, de même qu'avec l'histoire de l'art qui lui a maintes fois servi de point d'appui ou de tremplin.
Le culte de la beauté virile, nourri par l'insatiable besoin des homosexuels d'admirer, de convoiter, de fantasmer, constitue la ligne de force d'une histoire ponctuée de tabous et de transgressions, de connivences, de délectations et de jubilations. Les corps convoités d'éphèbes, d'idoles et d'athlètes musclés, tels ceux d'Eugen Sandow, de Johnny Weissmuller, de James Dean, de Marlon Brando, de Joe Dallesandro et de Peter Berlin, n'ont cessé d'agrémenter des imaginations d'autant mieux attisées que les photographes se révèlaient habiles et doués.
D'abord scandaleuse et honnie (à une époque où l'homosexualité était considérée comme un péché, un crime, une perversion), la photographie homoérotique est devenue rebelle, conquérante, avant d'être permise, acceptée, respectée. Elle a accompagné l'émancipation des gays et leur accession à une identité individuelle et collective, certes sexuelle et sentimentale, mais aussi culturelle.
Trois parties permettent d'apprécier des portraits et témoignages restés longtemps dans les placards, des nus idéalisés ou libertins, appropriés aux désirs et aux engouements des connaisseurs avertis, et des hardiesses pornographiques clandestines : la lente émergence de l'homosexualité en photographie (de 1840 à 1918) ; le choix des photographes, entre refoulement et émancipation (de 1918 à 1969) ; et les auteurs photographes s'assument finalement publiquement (à partir de 1969).
Le lecteur peut suivre, grâce à près de 350 oeuvres photographiques reconnues ou inédites, les mutations des thématiques et esthétiques des photographes amateurs et professionnels qui devancèrent ou reflétèrent la refonte des normes, de Wilhelm von Gloeden et Fred Holland Day à George Platt Lynes, de Raymond Voinquel et Herbert List aux photographies de Beefcake, de Robert Mapplethorpe et Arthur Tress à Duane Michals, Toni Catany et Pierre et Gilles.
Une histoire de l'homoérotisme ponctuée de tabous et de transgressions, de connivences, de délectations et de jubilations."
Source : Yves Lafontaine pour Fugues.com