La publication de cet article m'a été inspirée par une personne (qui se reconnaîtra) ayant émis le souhait d'aller voir trés prochainement "Flipper le dauphin"... dans un petit port français à quelques encablures de la frontière espagnole. Loin de moi la volonté d'être moralisateur, j'aurais tant voulu être à sa place, je fais moi aussi partie de la génération Flipper le dauphin et Grand bleu et j'ai rêvé maintes fois d'être à la place de Jean-Marc Barr, mais l'envie de vivre une telle rencontre et l'euphorie suscitée ne doivent pas nous faire oublier la fragilité de cet animal intelligent (et protégé), même s'il semble rechercher le contact avec nous autres humains... J'ai bien peur qu'en cette période de vacances le nombre et la joie des uns ne transforment en malheur le bonheur de l'autre...
La France accueille depuis quelques années des ambassadeurs d'un genre particulier : deux grands dauphins, nommés Jean-Floc'h et Randy. Alors que l'espèce vit généralement en bande, ces deux mâles évoluent en solitaire dans les zones portuaires et interagissent avec le hommes. Ils sont ce qu'on appelle des "dauphins ambassadeurs". Jean-Floc'h a élu domicile autour du Cap Suzin, dans le Finistère, il y a bientôt trois ans. "On pense qu'il est devenu solitaire après avoir été séparé de son groupe, peut-être à la suite de l'attaque d'un prédateur" explique Sandra Guyomard, présidente de l'Association Réseau Cétacés. "Il présentait à son arrivée tous les symptômes d'un dauphin traumatisé : jusqu'à l'été 2004 il évoluait sur un territoire trés restreint et sécurisant et il a un grand besoin de contacts, notamment avec l'homme". |
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Randy est, quant à lui, nettement plus mobile et plus indépendant. Il a parcouru seul plusieurs milliers de kilomètres, de l'Irlande aux Pays-Bas, avant de se stabiliser aux côtes françaises. Il se déplace aujourd'hui entre le nord de la Bretagne et la côte atlantique, où il prend ses quartiers d'été. Jean-Floc'h et Randy se sont rencontrés en mars 2003, et, depuis, se retouvent régulièrement autour du Cap Suzin. Les deux dauphins recherchent d'eux-mêmes le contact avec l'homme. Mais ils n'en restent pas moins des animaux sauvages ! Et cette proximité les expose à de nombreux dangers. Le goût de Jean-Floc'h pour les hélices de bateau lui aurait déjà valu une balafre sur le rostre (bec). Une cicatrice que porte aussi Randy sur la nageoire dorsale. En période estivale, les deux cétacés deviennent de véritables attractions locales, avec tous les débordements que cela engendre.
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"Les baigneurs s'amassent autour de l'animal, l'agrippent, le touchent contre son gré..." regrette Sandra, "Certains vont jusqu'à boucher l'évent avec les doigts pour voir si le dauphin respire toujours !"... Ainsi Randy a défrayé la chronique au cours des étés 2003 et 2004 en donnant un coup de nageoire agacé à plusieurs baigneurs peu délicats. Bilan : des hématomes et quelques côtes cassées. Certaines communes ont dès lors décidé de hisser le drapeau rouge lorsque Randy apparaît. "Une meilleure compréhension des dauphins permettrait de vivre en bonne entente et d'éviter ce genre d'incident" précise la présidente de l'association, "Et aussi d'éviter qu'à terme une commune ne demande une dérogation pour pouvoir abattre l'animal. Une possibilité qu'un préfet a déjà évoqué il y a deux ans pour Randy..." |
Cet article d'Isaline Aubin a été publié dans le N°71 (août 2005) de National Geographic France.
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